- Le contexte clinique de cette observation dans le cadre d'une vaginose bactérienne est très évocateur.
En effet, pertes non sanglantes provenant de l'appareil génital féminin, les leucorrhées sont un motif fréquent de consultation en gynécologie et doivent toujours poser le problème d'une MST sous-jacente. Il est parfois difficile pour le clinicien de faire la part des choses entre des leucorrhées physiologiques mais mal vécues par la patiente et celles pathologiques passées au second plan dont il faudra chercher et traiter la cause.
Les leucorrhées physiologiques proviennent :
1. De la desquamation vaginale, responsable de leucorrhée laiteuse, peu abondante, opalescente, augmentant en période prémenstruelle,
2. De la glaire cervicale secrétée par les cellules cylindriques de l'endocol qui augmente du 8ème au 15ème jours du cycle, translucide, cristallisant en feuille de fougère. Ces secrétions n'engendrent aucune irritation, ne sentent pas mauvais et ne contiennent pas de polynucléaires. Toutefois leur abondance peut parfois être source de gène pour la patiente et justifier la prise en charge thérapeutique.
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Le vagin est un écosystème dynamique où chaque femme possède des germes en équilibre avec une flore dominante, le bacille de Döderlein ou Lactobacillus (bacille à Gram-positif) tapissant la muqueuse vaginale et transformant le glycogène, abondamment contenu dans les cellules vaginales et cervicales grâce à l'imprégnation oestrogénique, en acide lactique (pH acide < 4). Ce pH est un facteur protecteur de la multiplication bactérienne. Enfin cette flore s'oppose à l'adhérence et à la colonisation des bactéries pathogènes dans le vagin.
Cette flore vaginale évolue selon : 1/ l'âge : moins de Döderlein avant la puberté et après la ménopause non traitée; 2/ le cycle : les aérobies diminuent avant et après les règles; 3/ la contraception: une augmentation des bactéries anaérobies telle Bacteroides sp. est constatée en cas de stérilet.
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Quelle sera la conduite de l'examen lors dune consultation pour leucorrhées anormales ?
A: Préciser les caractéristiques de l'écoulement :
- Couleur, abondance, odeur (une odeur désagréable oriente vers
Gardnerella vaginalis),
- Caractère récent ou non
B: Préciser les signes fonctionnels d'accompagnement :
- Le prurit oriente vers une mycose, la brûlure vers un
Trichomonas,
- Les métrorragies (endométrite, néoplasies) ou les douleurs pelviennes (annexite).
C: Préciser les circonstances de survenue :
- Lors d'une grossesse (physiologique, mycose),
- Port d'un stérilet (endométrite, salpingite),
- Post-coïtale (IST, néoplasie cervicale),
- Après un traitement antibiotique (mycose),
- Terrain favorisant (diabète, corticothérapie, immunodépression),
- Notion possible de IST.
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D: Y a-il des signes chez le partenaire ? : rougeur, brûlure, écoulement, irritation....
- L'examen clinique sera déterminant mais s'effectuera en labsence de toilette vaginale préalable. L'inspection de la région vulvaire, vestibulaire et périnéale recherchera des rougeurs, des lésions de grattages, des vésicules ou des ulcérations.
- Le toucher vaginal recherchera une douleur à la palpation ou à la mobilisation de l'utérus et des annexes, l'existence d'un empâtement.
- L'examen au spéculum permettra :
. d'analyser l'écoulement (aspect, abondance, couleur)
. d'apprécier l'aspect de la glaire cervicale (limpide, louche)
. d'évaluer l'état de l'épithélium vaginal et cervical
. de réaliser des prélèvements à des fins d'examen direct au microscope (et éventuellement un test à la potasse).
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Le test à la potasse ou Sniff test consiste à ajouter sur le prélèvement étalé sur lame, une goutte de potasse à 10 %. Cette potasse permet de lyser les corps cellulaires et ainsi de mieux voir les éléments mycosiques mais surtout dégage une
odeur de poisson pourri, très évocatrice de la présence conjuguée de bactéries anaérobies et de
Gardnerella vaginalis. Ce test peu pratique s'effectue directement au lieu de consultation.
- Diagnostic bactériologique :
Celui-ci est évoqué lors d'un contexte clinique très évocateur. Cependant diverses étiologies peuvent être suspectées. Aussi il y aura prélèvement des sécrétions vaginales:
* par écouvillonnage préconisé avec ou sans spéculum, de préférence non lubrifié (écouvillon stérile)
* par utilisation d'une poire plastique stérile
* au niveau des culs de sacs vaginaux ou des parois vaginales
Examen direct
* Etat frais: : La recherche des Trichomonas vaginalis est plus facile à cause de la réfringence et de la membrane ondulante (cf à droite)
* Coloration de Gram:
Cependant, l'apport diagnostique déterminant a été l'examen direct après coloration (à droite) qui a rapidement permis de préciser l'agent étiologique de cette vaginose:
Présence d'assez nombreuses cellules épithéliales desquamées, tapissées de manière très caractéristique par des coccobacilles Gram-variable, voire Gram-positif. Les contours des cellules sont estompés.
On insistera sur la présence de cellules indicatrices "clue cells " en l'absence de nombreux polynucléaires:
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Le diagnostic d'orientation est quelquefois plus difficile en raison d'infection mixte, par exemple à Mobiluncus (petits bacilles incurvés en coup d'ongle mais de croissance très difficile.
- La mise en évidence de Trichomonas vaginalis après coloration est possible mais inhabituelle (coloration de May-Grunewald- Giemsa).
Culture - Isolement
* Divers milieux d'isolement sont rapidement utilisés en pratique quotidienne:
Une nouvelle coloration de Gram d'une colonie ß-hémolytique montre de petits bacilles courts et réguliers, Gram-négatif ou Gram-variable.
- L'identification biochimique est possible mais peu utile, en général. Cependant, en cas de doute, deux types de galeries peuvent être utilisées d'une part Rapid API 32 STREP et d 'autre part API CORYNE:
Rapid API 32 STREP avec les caractères positifs suivants: BGAR, PAL, RIB, APPA, BGAL et MAL.
API CORYNE avec les caractères positifs suivants: PYR,GLU, RIB et MAL
- Enfin, l'antibiogramme est assez caractéristique à cause de la grande sensibilité à certains antibiotiques comme les macrolides (érythromycine, E), lincosamides (lincomycine, L) ou encore les nitrofuranes (FT):
L'antibiogramme est donc obtenu par ensemencement sur une gélosede Mueller-Hinton MH au sang frais incubée en anaérobiose. On notera, outre la grande sensibilité aux antibiotiques (ci-dessus), celle vis-à-vis de la vancomycine (VA) habituellement actifs vis-à-vis des bactéries à Gram-positif ou encore des ß-lactamines dont la pénicilline G (P). Bien qu'obtenu en anaérobiose, on notera la résistance au métronidazole (MTR), les CMI variant de 64 à 128 mg/L ou encore vis-à-vis des polypeptides (CS pour colimycine).
Une aide intéressante à l'identification est l'étude de la sensibilité au métronidazole doublement dosé (MTR DD) et aux sulfamides doublement dosées (SSS DD) (Oxoid ou Diatabs® Rosco). G. vaginalis apparaît résistante aux sulfamides (1000 µg), mais sensible aux fortes concentrations de métronidazole (50 µg), alors qu'elle est résistante aux concentrations habituelles (4 µg) (MTR).