AUTRES YERSINIA
Les Yersinia sont des entérobactéries regroupant actuellement trois espèces pathogènes pour l'animal et l'homme: Yersinia pestis (le bacille de Yersin, 1894), Yersinia enterocolitica (Fredericksen, 1964) et Yersinia pseudotuberculosis (autrefois appelé le bacille de Malassez et Vignal, 1883), et des espèces habituellement non pathogènes, Yersinia frederiksenii, Yersinia kristensenii, Yersinia intermedia, Yersinia aldovae, Yersinia mollaretii, Yersinia bercovieri et Yersinia rodhei. Y. pseudotuberculosis et Y. pestis sont très apparentées tandis que Y. enterocolitica est génétiquement distinctes des deux autres bactéries. Y. ruckeri, pathogène pour les salmonidés, reste inclus dans le genre alors que nombreux traits génétiques l'en éloignent: son exclusion du groupe est, cependant, probable à terme. Alignement d'une séquence du gène de l'ARNr 16S sur le site BIBI
1 - HISTORIQUE 2 - POUVOIR PATHOGENE NATUREL L'adénite mésentérique est plutôt observée chez l'adolescent et l'adulte jeune. Le tableau clinique correspondant est celui d'une appendicite aiguë associant fièvre, douleur dans la fosse iliaque droite, vomissements et constipation. Lors de l'intervention, une adénite mésentérique généralement associée à une iléite terminale est constatée, l'appendice restant le plus souvent sain ou légèrement inflammé. Des manifestations cliniques extra-intestinales, associées ou non à l'infection digestive, ont été décrites. La plus fréquente est une pharyngite parfois accompagnée d'adénopathies cervicales. De nombreuses autres formes cliniques infectieuses ont été rapportées: conjonctivite de Parinaud, cellulite, cystite, ostéomyélite, pneumonie, ainsi que des abcès superficiels ou profonds (psoas, rein, poumon).
http://look4.free.fr/dermato/en.htm L'arthrite apparaît une à plusieurs semaines après l'épisode diarrhéique initial. Il s'agit d'arthropathies inflammatoires et aseptiques, dues à des dépôts de complexes immuns dans les articulations. L'atteinte est symétrique, prédomine aux articulations des membres inférieurs et progresse par poussées fébriles. Elle peut persister plusieurs mois et son évolution n'est pas influencée par une antibiothérapie. L'arthrite réactionnelle atteint préférentiellement les adultes jeunes, surtout ceux (environ 80%) appartenant au groupe tissulaire HLA-B27, et peut s'intégrer dans le cadre nosologique d'un syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. 2 -2 . Y. pseudotuberculosis La pathologie humaine, très proche de celle causée par Y. enterocolitica, se traduit essentiellement par une maladie digestive aiguë, pouvant se compliquer de manifestations cliniques articulaires et cutanées. L'adénite mésentérique représente la principale manifestation clinique de l'infection par Y. pseudotuberculosis. L'entérite, au contraire, est beaucoup plus rarement observée. Parmi les manifestations dermatologiques observées au cours de l'infection par Y. pseudotuberculosis, l'érythème noueux est, de loin, la plus fréquente. Il survient principalement chez des sujets masculins, âgés de moins de vingt ans. De nature immuno-allergique, il est généralement localisé aux membres inférieurs. En revanche, les atteintes articulaires sont plus rarement observées qu'au cours de la pathologie associée à Y. enterocolitica. Sur un terrrain particulier (cirrhose, hémochromatose, diabète, thalassémie, drépanocytose, hémopathies, cancers), l'infection à Y. pseudotuberculosis peut se généraliser et réaliser une septicémie dont le pronostic dépend étroitement de la maladie sous-jacente.
La fièvre scarlatiniforme d'Extrême-Orient est une forme particulière de l'infection humaine à Y. pseudotuberculosis. Elle semble curieusement se limiter à la Russie d'Extrême-Orient. Le tableau clinique associe un syndrome fébrile à des lésions cutanéo-muqueuses de type scarlatiniforme. Après une incubation silencieuse de 3 à 27 jours, survient brutalement un syndrome infectieux : fièvre à 39°C, frissons, céphalées. Quelques jours plus tard, à l'acmé du syndrome fébrile, apparaît un exanthème identique à celui de la scarlatine et qui peut s'étendre à l'ensemble du corps. Une desquamation furfuracée se produit entre le 8ème et le 16ème jour de la maladie. A ce syndrome peuvent s'associer des manifestations digestives (vomissements, diarrhée, douleurs abdominales).
- Les infections humaines sont le plus souvent sporadiques mais des cas d'infections épidémiques, affectant plusieurs centaines de sujets (essentiellement des enfants), ont été rapportés. La transmission de l'agent pathogène à l'homme a lieu après ingestion d'aliments (souvent la viande de porc), de lait ou d'eau souillés, ou bien après contact avec des animaux domestiques. - On ne connaît pas de cas documenté de transmission inter-humaine du microorganisme, hormis des cas de choc septique au cours d'une transfusion de sang contaminé.
La physiopathologie de l'infection par Y. enterocolitica et Y. pseudotuberculosis commence à être mieux connue à la lumière de données expérimentales obtenues chez l'animal de laboratoire. Après ingestion, une forte proportion de bactéries (plus de 90 %) est détruite, lors de la traversée de l'estomac, par l'acidité gastrique. Les bactéries survivantes gagnent alors l'intestin, envahissent la muqueuse iléale (via les cellulles M) et colonisent sélectivement les plaques de Peyer.
Drainées par la lymphe, les bactéries atteignent les ganglions mésentériques où elles se multiplient, provoquant une hypertrophie de ces formations lymphoïdes (adénite mésentérique). La dissémination lymphatico-sanguine des microorganismes reste un évènement rare, ne survenant que s'il existe une défaillance du système immunitaire de l'hôte. Yersinia (Y) dans une cellule M (M) contigue à un entérocyte (E)
Le pouvoir pathogène de Y. pseudotuberculosis est lie à la présence d'un plasmide de 70 kb, qui n'est pas conjugatif très apparenté au plasmide pCD de Y. pestis et qui est dénommé pYV (Yersinia Virulence). Ses produits inhibent globalement la réponse immunitaire de la muqueuse intestinale selon des modes d'action identitiques à ceux décrits pour le bacille de la peste. Il convient de signaler que pYV porte un gène désigné yadA (le gène homologue de Y. pestis est inactif) qui spécifie une adhésine/invasine. YadA (Yersina adhesin) est insérée dans la membrane externe et forme des fibrilles recouvrant la surface des microorganismes. In vitro, elle se lie à divers types de collagène, la fibronectine, la laminine et, compte tenu de sa capacité à s'attacher à différents constituants de la matrice extracellulaire, YadA pourrait ainsi faciliter la colonisation de zones endommagées de l'intestin par Y. enterocolitica ou Y. pseudotuberculosis. Une autre propriété biologique intéressante de YadA est son aptitude à inhiber la voie alteme d'activation du complément sérique (par fixation de la protéine sérique H) et de conférer ainsi une résistance des bactéries à l'action du sérum. Des gènes chromosomiques contrôlent également le pouvoir pathogène de Y. pseudotuberculosis. Deux d'entre eux, inv (invasin) et ail (attachment invasion locus), confèrent aux microorganismes la capacité de franchir la muqueuse intestinale. Singulièrement, ces deux gènes sont présents chez Y. pestis, mais ils sont inactifs (pseudogènes). Enfin, un gène propre à Y . enterocolitica, yst (Yersinia stable toxin), code une entérotoxine.
5 -1 - Prélèvements: Y . enterocolitica et Y. pseudotuberculosis peuvent être recherchées dans le sang, les ganglions mésentériques ou l'appendice iléo-caecal après intervention chirurgicale, et dans les selles. Il faut signaler que Y. enterocolitica peut être mise en évidence dans les fécès durant toute la phase diarrhéique de la maladie et pendant plusieurs semaines après la guérison clinique. En revanche, Y. pseudotuberculosis disparait de la lumière du tube digestif après avoir envahi les ganglions mésentériques. Contrairement à Y. enterocolitica, Y. pseudotuberculosis n'est jamais détectée dans les selles lors de la survenue d'un érythème noueux ou d'une atteinte articulaire. Culture de Y. enterocolitica sur le milieu gélosé au sang frais après 24 h d'incubation à 37°C Aspects culturaux de Y. pseudotuberculosis sur le milieu gélosé au sang frais et sur celui de Drigalski après 24 h d'incubation à 37°C
- Il convient de mentionner que certaines souches de Y. pseudotuberculosis ne poussent pas sur ce milieu; une culture des selles sur une gélose de Drigalski (milieu moins inhibiteur) peut alors convenir.
- Outre les caractères d'une entérobactérie, les deux espèces possèdent une uréase très active et la recherche de cette activité enzymatique sur des colonies suspectes permet d'orienter rapidement le diagnostic bactériologique. En cas de positivité du test, le diagnostic présomptif sera confirmé par une étude biochimique complète de la souche selon les méthodes habituellement employées pour l'identification des entérobactéries. http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/yy/enterocolitica.html
Exemple d'une souche de Y. enterocolitica Enfin la sensibilité aux ß-lactamines est très différente selon l'espèce (cf sensibilité aux antibiotiques). Devant toute suspicion, ne pas oublier d'adresser la souche au CNR:
Antibiogramme par diffusion (ß-lactamines) de Y. pseudotuberculosis
Antibiogramme par diffusion (ß-lactamines) de Y. enterocolitica
- Pour les autres antibiotiques comme les aminosides et les quinolones montrés ci-dessous, il n'y a pas de différence notable entre ces deux espèces. - En cas d'infection strictement digestive, un traitement antibiotique n'est pas nécessaire, car il ne réduit pas significativement la durée de la maladie. En revanche, une antibiothérapie peut être envisagée chez des sujets "à risque": patients immunodéprimés ou porteurs de l'antigène HLA B27, qui sont susceptibles de développer, respectivement, une infection systémique ou une arthrite réactionnelle. Les fluoroquinolones (ciprofloxacine et ofloxacine), dont les concentrations tissulaires sont élevées et qui sont très actives in vitro peuvent être proposées en première intention.
Version du 10.06.05
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