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Module "Santé et environnement-Maladies transmissibles"

LE VIRUS DE LA ROUGEOLE

C'est un paramyxoviridæ tout à fait distinct des précédents, antigéniquement unique. Il appartient à la famille des Morbillivirus. C’est un virus à ARN de polarité négative, enveloppé. Le réservoir du virus est l’homme malade. Le virus est éliminé dans la gorge, les urines, le sang et les sécrétions conjonctivales mais la contamination interhumaine est aérienne. Dans les pays industrialisés où la vaccination est systématique, la rougeole n’apparaît plus que sous forme de foyers isolés. Ces quelques épidémies dans les pays à large couverture vaccinale sont dues à des cas importés. Par contre dans les populations non immunisées des pays en développement,  la rougeole cause de grandes épidémies tous les 2 à 5 ans. Dans ces pays, elle représente la plus forte cause de mortalité des enfants entre 1 et 5 ans. La rougeole pose donc un problème de santé publique majeur dans les pays du Tiers Monde.

Du fait du réservoir strictement humain et d’une vaccination possible efficace, ce virus est potentiellement éradicable. Cest un des objectifs de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) d’ici à 2010.

Ce virus induit à la fois une immunité durable mais du fait de son lymphotropisme, il induit également une immunosuppression transitoire.


1. PHYSIOPATHOLOGIE

Le virus est transmis par aérosol aux voies aériennes supérieures. Après une multiplication initiale locale, une première phase de virémie a lieu disséminant le virus aux cellules du système réticulo-endothélial et des endothéliums. Une nouvelle réplication dans les territoires lymphatiques plus profonds entraîne une deuxième virémie (10 ème jour). L’infection est alors généralisée à tous les organes (épithéliums respiratoires, occulaires, urinaires, intestinaux, tissus lymphatiques, vaisseaux sanguins, système nerveux, peau).


2. MANIFESTATIONS CLINIQUES

Avant la vaccination, presque personne n'y échappait. Il donne presque toujours une infection apparente avec éruption. C'est une virose généralisée, à point de départ respiratoire. Le virus diffuse par virémie. Il y a également une virurie. Après une incubation silencieuse de 10 jours, on observe une phase d'invasion marquée par une fièvre élevée, à 40° C, et deux signes particuliers, évocateurs : le catarrhe et l'énanthème. L'enfant présente en effet un larmoiement et une hypersécrétion des voies respiratoires avec laryngite et bronchite, et parfois une diarrhée. L'énanthème est fait de petits points blancs “ en grain de semoule ” sur la muqueuse des joues ; c'est le signe de KÖPLICK.

L'exanthème survient 14 jours après le contage (incubation longue des infections virales généralisées). Il est constitué d'une éruption maculopapuleuse diffuse, qui débute à la tête "derrière les oreilles" et s’étend ensuite au reste du corps par voie descendante. L'éruption est attribuée à l'apparition dans le sang d'immuns complexes circulants virus-anticorps et non pas à l’action directement cytolytique du virus. Elle apparaît en même temps que les anticorps. Les complications les plus fréquentes sont les otites.

La pneumonie à cellules géantes est une complication gravissime survenant chez les sujets immunodéprimés. Elle est due à la réplication du virus dans les cellules épithéliales du système respiratoire. Celà étant, des images radiologiques pulmonaires anormales sont banales au cours des rougeoles bénignes.
Dans les pays pauvres la rougeole est catastrophique entraînant 2 millions de décès chaque année. Elle entraîne une décompensation des carences immunitaires et dans certaines populations sous-alimentées elle tue un quart des enfants. La conjonctivite, à l'origine du larmoiement, banal chez nous, est par surinfection bactérienne à l'origine de cécité. L’infection par le virus de la rougeole s'accompagne et entraîne pour quelques mois une immunodépression, qui dans les pays du Tiers Monde apporte sa part de complications de surinfection.

La rougeole est également responsable de trois types de complications neurologiques :

La plus fréquente est l’encéphalite post-éruptive ou post-infectieuse. Elle survient 3 à 10 jours après l’éruption. Elle n'est pas due à une multiplication du virus dans le cerveau, mais elle est probablement expliquée par un mécanisme auto-immun. C'est une encéphalite par démyélinisation périveineuse. On en voit un cas pour 1.000 rougeoles et sa mortalité est de 10 %. Ce n'est donc pas une rareté. Elle est responsable d'un décès pour 10.000 rougeoles.

L’encéphalite aiguë à inclusions survient de 1 à 6 mois après la rougeole. Elle apparaît chez les sujets ayant un traitement immunosuppresseur ou un déficit immun itaire. Le virus se réplique dans le système nerveux central et l’évolution est la plupart du temps fatale ou avec des séquelles graves.

Enfin il existe une très rare encéphalite subaiguë mortelle qui est due au virus de la rougeole. C'est une encéphalite qui comporte des lésions de sclérose de la substance blanche et de la substance grise : c'est la panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS). Elle survient des années après la rougeole, 7 ans en moyenne et touche un enfant sur un million. Elle semble liée à la sélection et à l'infection persistante du cerveau par un virus sélectionné comme étant défectif au niveau des gènes codant les composants de l'enveloppe, protéine M notamment, ce qui empêcherait toute expression des antigènes viraux à la surface cellulaire. Il existe une synthèse oligoclonale d'anticorps viraux dans le LCR.

Depuis la diffusion de la vaccination antirougeole, la PESS régresse très nettement, comme toutes les autres complications de la rougeole.

Contrairement à la rubéole, la rougeole en cours de grossesse ne donne pas de malformations.


3. LE DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE

INDICATIONS : le diagnostic est habituellement clinique, en effet les signes cliniques sont très évocateurs. Cependant il est utile pour un diagnostic de certitude devant une forme atypique. Il est nécessaire pour distinguer rougeole et rubéole, chez une femme enceinte ou dans l'entourage d'une femme enceinte.

L'ISOLEMENT est difficile car le virus à l'isolement pousse assez mal en cultures cellulaires. [Il lui faut des cultures cellulaires de rein humain, d'amnios humain, ou de rein de singe. Il donne des syncytiums avec inclusions nucléaires et cytoplasmiques.]

L’IMMUNOCYTODIAGNOSTIC RAPIDE par immunofluorescence ou immunoperoxydase directement sur les cellules respiratoires du frottis nasal ou de l'aspiration nasopharyngée est beaucoup plus pratique. Ce test permet la mise en évidence des antigènes viraux.

Le SERODIAGNOSTIC est en pratique plus fiable que l'isolement en culture. Les techniques ELISA ont remplacé les autres méthodes sérologiques en raison de leur sensibilité et de leur aptitude à déceler des IgM spécifiques. Les IgM anti-rougeole sont détectables du 1er au 30ème jour après l’éruption. La recherche d’une immunité ancienne ou d’une séroconversion par titage des anticorps de type IgG peut également être faite.

Il est également possible de rechercher le génome du virus de la rougeole par les techniques de biologie moléculaire (RT-PCR). Ces tests sont réservés à des laboratoires spécialisés.

Diagnostic des complications neurologiques : le virus peut être isolé du LCR d’enfants immunodéprimés atteints d’encéphalites aiguës à inclusions. Après des biopsies cérébrales, on peut également le mettre en évidence dans les encéphalites aiguës à inclusions ainsi que dans la PESS. L’étude des anticorps (type IgG) sécrétés dans le LCR permet également de faire le diagnostic de PESS. On détermine le rapport du titre des anticorps anti-rougeole dans le sérum et le LCR. Un rapport des anticorps anti-rougeole sérum/LCR <40 objective une synthèse intrathécale des anticorps anti-rougeole.


4. TRAITEMENT ET PREVENTION

La ribavirine est active in vitro sur les souches de rougeole. Elle a été proposée dans les formes graves de la rougeole, en particulier chez les immunodéprimés, mais sans résultats probants.

La séroprévention peut concerner les sujets non immuns, fragiles ou immunodéprimés. L'injection d'immunoglobulines polyvalentes dans les 5 jours suivant le contage donne une séroprévention sinon une séroatténuation.

Il existe un VACCIN atténué vivant, injectable, à donner vers 12-14 mois, après la disparition des  anticorps maternels mais avant  que l'enfant ne rencontre la rougeole. Il est associé aux vaccins contre les oreillons et la rubéole : c’est le ROR. Il est, comme tout vaccin vivant, contre-indiqué chez les sujets immunodéprimés. Pour les enfants du Tiers Monde, il existe un sérieux risque de rougeole très précoce survenant dès la chute des anticorps maternels, c’est-à-dire dans les derniers mois de la 1ère année de vie. Aussi, dans ces conditions de vie, préconise-t-on une première vaccination par le vaccin rougeole seul (Rouvax) à l'âge de 8-9 mois, avec une revaccination à 12-14 mois par le ROR. Un rappel de ROR est recommandé dans tous les cas, entre 3 et 6 ans. En effet, la vaccination n’étant efficace qu’à 90-95%, il se constituerait peu à peu, en l’absence de revaccination, un ensemble de sujets réceptifs à l’origine d’une poussée épidémique. Celà permet également le rattrapage des enfants qui n’ont pas été vaccinés à l’age de 12-14 mois.

La France s’illustre par une mauvaise couverture vaccinale par le ROR. Des études récentes montrent une couverture vaccinale de 82% or l’on sait qu’il faut une couverture vaccinal de plus de 95% pour que le virus ne circule plus. Des efforts importants restent donc à faire.

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