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Cours de Bactériologie Médicale

EHRLICHIA


1 - Introduction

Les Ehrlichia sont des bactéries intracellulaires obligatoires, responsables des ehrlichioses, majoritairement animales. La contamination humaine a lieu à partir d’un réservoir animal, par l’intermédiaire d’un vecteur (le plus souvent une tique).
- Au contraire des ehrlichioses animales de description ancienne, la possibilité d’infection humaine par les Ehrlichia a été caractérisée récemment : La description de l’ehrlichiose du Japon date de 1953, celle monocytaire humaine de 1987, et celle granulocytaire humaine de 1994.
Plus récemment, deux autres espèces responsables d’ehrlichioses canines ont été décrites chez l’homme : E. canis et E. ewingii.
- Les ehrlichioses humaines sont responsables de tableaux cliniques peu spécifiques, à type de syndrome pseudo-grippal. Ces infections d’évolution spontanée habituellement favorable, peuvent parfois être graves, voire fatales.
A noter qu'aux Etats-Unis, les tiques responsables de la transmission de l’ehrlichiose granulocytaire sont également vecteurs pour la maladie de Lyme (Borrelia burgdorferi) et de la babésiose (protozoaire)(Babesia microti).

2 - Taxonomie et caractéristiques bactériologiques

Ces bactéries appartiennent à la famille des Anaplasmataceae. Leur taxonomie a été récemment modifiée pour séparer les espèces précédemment regroupées dans le genre Ehrlichia en trois genres : Ehrlichia, Anaplasma, et Neorickettsia.


Genre
Espèce
Maladie
Ehrlichia E. chaffeensis ehrlichiose monocytaire humaine
E. canis ehrlichiose canine monocytaire
E. ewingii ehrlichiose canine granulocytaire
Anaplasma A. phagocytophilum ehrlichiose granulocytaire humaine
Neorickettsia N. senettsu ehrlichiose du Japon

Les Ehrlichia sont des bacilles possédant une structure de paroi proche de celle des bactéries à Gram négatif, mais mal ou non colorées par cette technique. Leur multiplication est intracellulaire obligatoire, avec une cellule cible variable en fonction de l’espèce considérée: N. senettsu, E. chaffeensis, et E. canis infectent les monocytes et macrophages. A. phagocytophilum et E. ewingii infectent les polynucléaires neutrophiles ou granulocytes.

Il existe un cycle de multiplication intracellulaire complexe, qui évoque celui des Chlamydia. La mise en évidence de ces bactéries au sein des cellules eucaryotes se fait habituellement par des colorations cytologiques (May Grünwald Giemsa, MGG) http://www.med.sc.edu:85/mayer/ricketsia.htm

3 - Epidémiologie

- La répartition géographique est spécifique à chaque ehrlichiose et étroitement dépendante de la répartition du vecteur intervenant dans le cycle infectieux. De même, leur prédominance au printemps et en été, est liée à l’activité saisonnière des tiques (http://www.cdc.gov/ncidod/dvrd/ehrlichia/Index.htm )
- La plupart de ces ehrlichioses sont, en effet, transmises d’un réservoir animal à l’homme par morsure de tiques Ixodidés (ou tiques " dures "). La plupart des ehrlichioses à tiques ont d’abord été décrites aux Etats-Unis.
Les infections à E. chaffeensis ont été essentiellement décrites dans le sud-est des Etats-Unis. Le vecteur est la tique Amblyomma americanum (cf ci-dessous sur fonds noir).


Les infections à A. phagocytophilum ont été essentiellement décrites dans l’Est des Etats-Unis, là où la maladie de Lyme prédomine (notamment les Etats du Connecticut, Minnesota, New York, et Wisconsin). Dans ces régions, la tique Ixodes scapularis (cf ci-dessus à droite) est le vecteur à la fois de l’ehrlichiose granulocytaire humaine, mais aussi de la maladie de Lyme. L’ehrlichiose granulocytaire humaine existe également dans l’ouest des Etats-Unis, où le vecteur est Ixodes pacificus.

L’ehrlichiose canine à E. canis est de répartition mondiale mais elle est particulièrement fréquente dans les pays tropicaux et subtropicaux (Afrique, Asie du Sud-Est, Amérique).Un seul cas humain a été caractérisé à ce jour, au Venezuela.

L’ehrlichiose canine à E. ewingii a été décrite dans le sud et le sud-est des Etats-Unis. Son vecteur est Amblyomma americanum.

- Hors des Etats-Unis, les ehrlichioses sont présentes dans certaines régions tempérées. Des infections humaines supposées dues à E. chaffeensis ont été documentées sérologiquement en Argentine, Belgique, Israël, Italie, Mali, Mexique, Portugal, et Thaïlande.
Des infections à A. phagocytophilum ont été confirmées en Belgique, Danemark, Hongrie, Slovénie et Suède. Des patients présentant une sérologie positive vis-à-vis des antigènes de cette espèce ont également été décrits en Allemagne, Israël, Italie, Norvège, Suisse et Royaume Uni.

L’ehrlichiose japonaise, due à N. senettsu, a été décrite au Japon en 1953 puis en Malaisie, mais semble avoir disparu depuis environ 20 ans. Son épidémiologie est très différente de celle des autres ehrlichioses. L’homme s’infecterait par ingestion de poissons crus (mulets gris), souvent parasités par des helminthes qui représenteraient le réservoir naturel de N. senettsu.

4 - Pouvoir pathogène

Les ehrlichioses humaines (monocytaires et granulocytaires) se manifestent initialement de façon peu spécifique, le plus souvent par un syndrome pseudo-grippal. L’incubation est en moyenne de 5 à 10 jours après piqûre de tique. Il est probable que de nombreux patients infectés demeurent asymptomatiques ou présentent une symptomatologie très modérée spontanément résolutive. Une éruption cutanée est rarement rapportée chez l’adulte, mais semble plus fréquente chez l’enfant. Une leucopénie, une thrombopénie, ou une élévation des enzymes hépatiques peuvent être observées.
Des formes sévères existent correspondant à une fièvre prolongée, une insuffisance rénale, un syndrome de coagulation intravasculaire disséminée, une méningo-encéphalite, un syndrome de détresse respiratoire aigu, des convulsions, un coma. Le taux de mortalité est d’environ 2 à 3 % des patients infectés. L’infection est plus grave chez le patient immunodéprimé ou splénectomisé.
L’ehrlichiose japonaise se manifeste après une incubation d’environ 2 semaines, par un syndrome pseudo--grippal, une polyadénopathie et un syndrome mononucléosique biologique.

5 - Diagnostic biologique

- La méthode diagnostique directe simple consiste à rechercher ces bactéries à l’intérieur des cellules leucocytaires sur un frottis sanguin coloré par la technique de MGG. Le premier cas d’ehrlichiose humaine a été caractérisé par cette méthode. L’aspect des cellules infectées est suffisamment spécifique pour pouvoir évoquer le diagnostic d’ehrlichiose. Cependant, ce test n’est positif que chez une partie des patients infectés.

- La sérologie est la méthode diagnostique de confirmation habituelle, mais pose le problème d’un manque de standardisation. La méthode d’immunofluorescence indirecte (IFI) est habituellement utilisée. Les anticorps de type IgM puis IgG apparaissent à partir de la deuxième semaine suivant l’infection. Il est habituel d’utiliser un antigène spécifique de genre pour dépister les différents groupes d’ehrlichioses. Toutefois, du fait de la présence de réactions croisées entre les différents espèces d’Ehrlichia, la sérologie ne permet pas d’établir avec certitude l’espèce en cause chez un patient donné.


- Les techniques d’amplification génique (notamment la PCR) ont été utilisées avec succès pour montrer la présence d’ADN de Ehrlichia au niveau du sang, parfois plusieurs semaines après infection.

- L’isolement en cultures cellulaires est la méthode de référence pour confirmer le diagnostic d’ehrlichiose. Il faut en moyenne 1 à 2 semaines d’incubation des cultures cellulaires pour obtenir l’isolement d’une souche bactérienne. Cette technique réalisée uniquement en laboratoire de référence présente une très faible sensibilité.


Il existe un Centre National de Référence (CNR) en France: http://ifr48.free.fr/recherche/labo/rickettsies/rickettsies.html

6 - Sensibilité aux antibiotiques
- La sensibilité aux antibiotiques est réalisée en culture cellulaire, généralement en laboratoire de référence, donc ne se fait pas en routine.
. Les ß-lactamines, les aminoglycosides, le chloramphénicol, les macrolides et le cotrimoxazole sont inactifs. Il semble exister une résistance naturelle de faible niveau aux fluoroquinolones, mais plus marquée dans le genre Ehrlichia que Anaplasma.
. Les antibiotiques actifs, car ayant une bonne activité intracellulaire sont les tétracyclines, et plus accessoirement, la rifampicine. Aucune résistance acquise à ces antibiotiques n’a été caractérisée à ce jour.

7- Prophylaxie

Il n’existe pas de vaccin contre les ehrlichioses.

La prophylaxie la plus efficace en zone d’endémie repose sur la lutte et la protection vis-à-vis des arthropodes vecteurs. La protection vis-à-vis des morsures de tiques, indolores le plus souvent, est essentielle, notamment par un habillage qui couvre la majeure partie de la surface cutanée lors d’un passage en zone infestée de tiques.

Examen corporel attentif


Il est nécessaire de rechercher ces acariens au niveau cutané de façon systématique. La tique ne peut habituellement transmettre les bactéries qu’après attachement prolongé (plusieurs heures) à son hôte. L’utilisation de substances acaricides a été tentée de façon limitée pour diminuer l’infestation des animaux par les tiques vecteurs. Cette stratégie est de mise en œuvre difficile.

Ce cours a été préparé par le Professeur M. MAURIN (Faculté de Médecine de Grenoble)(01.11.03).


Pour en savoir plus :


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