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Cours de Bactériologie Médicale

CORYNEBACTERIUM

Ce genre bactérien se caractérise sur le plan morphologique comme étant des bacilles à Gram-positif, immobiles, droits ou incurvés avec des renflements (poire ou massue) et quelquefois, des formes ramifiées. Outre ces caractéristiques, leur disposition particulière en caractères chinois ou encore en palissade permet de les évoquer dans certains prélèvements. Diverses espèces commensales sont décrites chez l'homme et l'animal. La plus importante pour l'homme est C. diphtheriae ou bacille de Klebs et Loeffler, d'autres espèces peuvent être opportunistes : C. urealyticum et C. jeikeium.

CORYNEBACTERIUM DIPHTHERIAE

Corynebacterium diphtheriae est une bactérie strictement humaine responsable de la diphtérie. C’est un bacille Gram positif, immobile, non capsulé, non sporulé, avec une paroi riche de lipides lui confèrant une résistance à la phagocytose. Cette bactérie à croissance extracellulaire produit une exotoxine protéique responsables des signes de la diphtérie. L’inactivation de cette toxine (anatoxine) est la base de la vaccination anti-diphtérique.
C diphtheriae est un pathogène inféodé à l’espèce humaine 

Quelques cas de diphtérie à C. ulcerans sont rapportés en France ou ailleurs
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/31_031030.htm
http://www.cdc.gov/ncidod/EID/vol9no6/02-0645.htm

A- MORPHOLOGIE

C diphtheriae est un bacille à Gram positif (1-8 µ/ 0,3-0,8 µ), droits ou incurvés, en haltères et en palissade, immobiles, non capsulées, non sporulées.

B - ISOLEMENT ET IDENTIFICATION EN CULTURE

C diphtheriae est une bactérie aéroanaérobie, à métabolisme respiratoire et fermentatif , exigeant des milieux nutritifs enrichis de sérum, de sang, ou de sérum de bœufcoagulé (milieu de Loeffler). Les colonies obtenues en 24h d’incubation à 37°C sont de petite taille (1-2 mm) , hémolytiques, crémeuses, lisse S (smooth), en tâches de bougie. Les colonies sont catalase +, fermentent le glucose sans production de gaz et ne produisent pas ni uréase ni indole.


Bactérie produisant une toxine : Diagnostiquer la diphtérie revient à isoler la bactérie, à l’identifier comme C diphtheriae et à mettre en évidence la production de toxine in vitro par immunodiffusion en gélose avec un surnageant de culture (S1, S2 et S3 par exemple) et un sérum anti-toxine (AC) inbibant une bandelette de papier buvard.

On utilise surtout actuellement la détection du gène tox codant pour la toxine par PCR.

Exemple de recherche: http://www.pasteur.fr/actu/news

C - SENSIBILITÉ AUX ANTIBIOTIQUES:
C diphtheriae est sensible à la plupart des antibiotiques : la pénicilline G, l’ampicilline, le céfuroxime, les carbapénèmes, les céphalosporines de 3ème génération (mais résistance à l’ aztréonam), les macrolides (2% souches résistantes), les quinolones, le chloramphénicol, les tétracyclines, le trimétoprime-sulfaméthoxazole (rares souches résistantes), la rifampicine (en France, environ 20% des souches sont résistantes du fait de l’utilisation large de cet antibiotique).

D- LA DIPHTÉRIE

La diphtérie est une toxi-infection associant une angine sévère à des signes d'intoxication. il s'agit d'une maladie à déclaration oblogatoire en France (http://www.invs.sante.fr/beh/1998/9823/index.html
).

L’angine pseudo-membraneuse de la diphtérie

Après une incubation de 2-6 jours, la maladie débute insidieusement, avec malaise, fièvre modérée et angine banale. A la phase d’état, dans sa forme typique, c’est une angine pseudo-membraneuse, avec des fausses membranes extensives sur les amygdales et la luette et des adénopathies satellites parfois volumineuses (bull neck) .

L’évolution peut prendre un tour dramatique avec une rapide extension au larynx entraînant une asphyxie qui peut être mortelle : le croup.

A côté de cette complication locale redoutable, des signes d’ intoxication (toxine pantrope):

(1) signes neurologiques avec des paralysies périphériques (polynévrite régressive).

(2) signes cardiaques redoutables survenant chez 10% des patients, avec troubles du rythme et anomalies de l’ECG, des sueurs profuses, une hypotension, et une élévation des transaminases). Cette myocardite entraîne une mortalité par collapsus de 30% au cours de la 1ère semaine, avec risque de mort subite imprévisible pendant la convalescence.

(3) signes digestifs avec diarrhée.

(4) signes rénaux avec insuffisance rénale régressive.

(5) un syndrome hémorragique avec pétéchies cutanéo-muqueuses (thrombocytopénie).

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Formes cutanéo-muqueuses sans signes toxiques

Parmi les formes atypiques de diphtérie, il existe des formes nasales pures avec écoulements purulents et fausses membranes, des formes cutanées post-traumatiques avec pseudomembranes nécrotiques, souvent méconnues et des formes génitales, oculaires ou auriculaires. Ces formes atypiques sont de diagnostic difficile et sans signes toxiques.

Formes invasives de l’immunodéprimé

C. diphtheriae peut parfois chez certains patients immunodéprimés (toxicomanes, malnutris, alcooliques) se comporter comme une bactérie opportuniste : septicémies, endocardites, arthrites. Les souches isolées de C. diphtheriae sont peu ou pas toxinogènes. La mortalité peut atteindre 30%.

E - PHYSIOPATHOLOGIE DE LA DIPHTÉRIE

Colonisation de l’oropharynx

Après
transmission interhumaine par contact direct avec un patient ou un porteur sain, C. diphtheriae colonise et envahit la muqueuse de l'oropharynx sans dissémination, induisant la formation de fausses membranes extensives dues à une intense réaction inflammatoire constituée d’un tapis de polynucléaires insérées dans de la fibrine. C. diphtheriae est une bactérie à multiplication extracellulaire capable de résister à la phagocytose. Certaines protéines de surface (antigènes K spécifiques de type) sont des adhésines et jouent un rôle anti-phagocytaire. Les bactéries produisent un glycolipide toxique (dimycolate de tréhalose) contribuant à l’inflammation locale.

La toxine diphtérique

La toxine diphtérique est une
exotoxine protéique de 62 kDa, sécrétée en croissance exponentielle et inhibant la synthèse protéique des cellules de tous les tissus de l’hôte infecté (toxine pantrope).

C’est une pro-enzyme avec 3 domaines: un domaine de fixation aux récepteurs, un domaine hydrophobe de translocation à travers la membrane endosomale, et un domaine enzymatique (la sous-unité A de 21 kDa). La toxine se fixe à un récepteur cellulaire: le pro-HB-EGF (heparine-binding EGF-like growth factor) et aux co-récepteurs CD-9 et HSPG (heparan-sulfate-proteo-glycan). La toxine est internalisée par les endosomes puis libérée dans le cytoplasme après protéolyse révèlant son activité enzymatique ADP-ribosylase. La cible de l’ADP-ribosylase est le facteur EF-2 d'élongation, une petite G-protéine qui permet la translocation du peptidyl-tRNA du site A au site P des ribosomes en présence de GTP.



NAD++ + EF2 _________ ADPR-EF2 + Nicotinamide + H+

EF-2 est inactivé , ce qui bloque l’élongation des chaînes peptiques et inhibe de la synthèse protéique cellulaire.

La toxine diphtérique est codée par le gène tox porté par le phage ß. Seules, les souches lysogènes sont toxinogènes.

La production de toxine est contrôlée par le gène toxR localisé sur le chromosome bactérien. La protéine ToxR est un répresseur actif uniquement en présence de fer (> 100 µg/l). En l’absence de fer, la toxine est produite en fortes quantités, ce qui correspond bien aux conditions de survie dans les sécrétions oro-pharyngée où le fer disponible est en très faible quantité.

L’immunité contre la diphtérie

La toxine diphtérique est fortement antigènique et suscite des anticorps spécifiques neutralisants protecteurs. L’ immunité anti-diphtérique est humorale. Elle est liée à la production d’anticorps: (1) anticorps opsonisants les antigènes K qui facilitent l’adhésion des bactéries aux cellules de l’oropharynx ; il existe une importante diversité des antigènes K et cette immunité est spécifiques de type ; (2) les anticorps neutralisants la toxine qui sont protecteurs et constituent la base du traitement (sérum anti-toxine) et de la prévention (vaccination) de la diphtérie.

Epidémiologie de la diphtérie

La diphtérie est une maladie strictement humaine sans portage animal ni survie dans l’environnement.

La diphtérie dans les pays développés

La maladie a disparu des pays développés où la vaccination systématique des enfants a été rendue obligatoire et a totalement disparue de France et des autres pays développés, sauf les USA où la vaccination n’est pas obligatoire. La maladie y est endémique (incidence 3 /100 000 h). Il demeure un faible taux de portage de C. diphtheriae dans la population (<1/ 1000h).

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La diphtérie dans les pays pauvres

La diphtérie est une maladie très répandue dans le Tiers-Monde. Près de 50 000-100 000 cas sont déclarés. La maladie, comme dans les pays développés autrefois, atteint surtout les enfants 3-6 ans avec une mortalité de 5-10 %. Chaque année, de nombreuse épidémies sont déclarées en Asie, Afrique et Amérique Latine.

Diagnostic bactériologique  de la diphtérie

Le diagnostic bactériologique est délicat du fait de la fréquente présence dans l’oropharynx et sur la peau, de corynébactéries commensales, proches de C diphtheriae telles que C. haemolyticus, C. xerosis ou C. pseudodiphtheriticum.

Fait capital, les bactéries ne sont jamais isolées en dehors du site cutanéo-muqueux de la porte d’entrée (angine, lésion cutanée…), à l’exception des rares formes de l’immunodéprimé survenant dans un contexte clinique très différent.

Examen microscopique des prélèvements

Les prélèvements cutanéo-muqueux sont réalisés dans l’ oropharynx, la muqueuse nasale ou la peau, en fonction des localisations cliniques. Les prélèvements de sang ou d’urine sont toujours négatifs au cours de la diphtérie.

A l’examen direct, les fausses membranes apparaissent comme un tapis de polynucléaires ave de nombreuses bactéries à Gram positif de petite taille, fines, droites ou incurvées, en haltères, en palissade ou en lettre de l’alphabet (coloration de Gram). Les bactéries sont immobiles, non capsulées, non sporulées. Au cours de l’angine diphtérique, la flore oropharyngée est presqu’exclusivement constituée de bacilles à Gram positif.

Culture et identification de C diphtheriae

La présence fréquente de corynébactéries commensales sur la muqueuse oro-pharyngée exige un diagnostic d’espèce minutieux reposant sur des caractères d’identification indubitables :
aspects morphologiques au microscope et des colonies bactérie aéro-anaérobie, exigeante, fermentant le glucose sans gaz, catalase positive, indole et uréase négatives. C diphtheriae doit posséder le gène de la toxine diphtérique mis en évidence par PCR (il existe des souches non lysogènes qui ne déclenchent pas la diphtérie) et cette bactérie est très sensible aux antibiotiques.

http://www.cdc.gov/

F - TRAITEMENT DE LA DIPHTÉRIE

Traitement curatif

La diphtérie est une urgence médicale, notamment du fait du croup et des complications cardiaques. Il faut administrer une sérothérapie utilisant 40 000 unités internationales (UI) par voie musculaire de sérum anti-diphtérique dans formes communes et 100 000 UI dans les formes graves. On adjoint une antibiothérapie (pénicillines, macrolides) et une vaccination (car l’immunisation par la maladie est faible et inconstante, du fait de la très faible production de toxine pendant la maladie). 

Traitement préventif : la vaccination

On utilise l'anatoxine de Ramon. Il existe différentes recettes pour inactiver la toxine. On peut par exemple incuber la toxine purifiée avec du formol 0,1%, à la température de 37°C pendant plusieurs semaines. Ceci entraîne une perte de la fixation et l’activité enzymatique de la toxine. On pratique 3 injections à un mois d’intervalle, un rappel à un an puis des rappels tous les 5 ans. Cette vaccination est sans contre-indication, pouvant être réalisée chez les femmes enceintes et les immunodéprimés. Elle est très bien tolérée et remarquablement efficace. Elle a permis l’éradication complète de la maladie dans les pays où elle a été appliquée systématiquement.


Ce cours a été préparé par le Professeur P. Berche (Faculté de Médecine Necker-Enfants Malades, PARIS V)(01.09.02)

Pour en savoir plus :


Quelques adresses:

http://www.chu-rouen.fr/ssf/pathol/diphterie.html
http://www.pasteur.fr/sante/clre/cadrecnr/coryndipht-index.html
(Centre National de référence, CNR)
http://www.sante.gouv.fr/htm/actu/31_031030.htm (1 cas de diphtérie à C.ulcerans en France )
http://www.invs.sante.fr/surveillance/mdo/dispositif.htm
http://www.invs.sante.fr/beh/1998/9823(conduite à tenir devant un cas)
http://www.eurosurveillance.org/em/v02n08/0208-125.asp (1 cas au laboratoire)
http://www.invs.sante.fr/
(cas en europe)
http://www.eurosurveillance.org/em/v08n10/0810-121.asp (congrès du groupe de travail européen, 2002)
http://www.bacterio.cict.fr/bacdico/cc/ulcerans.html
(identification de C.ulcerans)
http://www.cdc.gov/ncidod/EID/vol9no6/02-0645.htm
(C.ulcerans)



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