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Cours de Bactériologie Médicale
BACILLES À GRAM-NÉGATIF NON FERMENTAIRES OPPORTUNISTES:
Pseudomonas, Acinetobacter...
A - INTRODUCTION
Parmi les autres bacilles à Gram-négatif, les entérobactéries constituent certainement en pathologie humaine, un groupe prédominant. Cependant, de nombreuses autres espèces ont été identifées, en particulier les bacilles à Gram-négatif non fermentaires aérobies stricts tels les genres Pseudomonas, Acinetobacter, Stenotrophomonas, Burkholderia, Alcaligenes........
Ce groupe bactérien très riche en individualités, car composé d'une vingtaine de genres et plusieurs dizaines d'espèces telles Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter baumannii, Stenotrophomonas maltophilia, Burkholderia cepacia, Alcaligenes xylosoxydans ........ fait quelquefois parler de lui, car ces bactéries sont souvent opportunistes et responsables d'infections nosocomiales dont les définitions sont les suivantes:
Germes opportuniste : germe de la flore commensale (E. coli, symbiote habituel du tube digestif) ou germe de l'environnement (Acinetobacter, Pseudomonas....) pouvant engendrer une infection dans certaines circonstances.
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Infection nosocomiale (IN): toute maladie provoquée par des micro-organismes contractée dans un établissement de soins par un patient après son admission soit pour hospitalisation soit pour y recevoir des soins ambulatoires que les symptômes apparaissent lors du séjour (> 48 h) ou plus tard (plusieurs mois lors d'infection sur prothèse). Compte tenu de leur prévalence, du coût économique de ces infections et de leur impact médiatique, il convient de connaître les principales caractéristiques de ces bactéries.
Prévalence actuelle des infections nosocomiales : Elle est en France de l'ordre de 9,3% en milieu hospitalo-universitaire et de 6,6% en hôpital général.
- Elle peut varier selon le type de service: soins intensifs (USI)(32,7%), chirurgicaux (9.1%), médecine interne (6,4%)..... (Selon une enquête des hôpitaux de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris).
- 500.000 à 800.000 cas annuels pour un coût financier de l'ordre de 0,5-1. 109 EUR.
- Notre situation nationale n'est pas parmi les meilleures comme le montrent les prévalences dans plusieurs pays européens pour l'ensemble de l'hôpital ou en unité de soins intensifs (USI).
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1: Suisse; 2: Belgique; 3: Luxembourg; 4: France, 5: Espagne ; 6: Portugal ;7: Italie ;8: Grèce
1 - 1 - La place des bacilles à Gram-négatif dont les entérobactéries et Pseudomonas aeruginosa est prédominante (50-60%) par rapport aux bactéries dites à Gram-positif dont Staphylococcus aureus et les staphylocoques non producteurs de coagulase (SCN), aussi bien en France que dans d'autres pays européens (50-65%).
IN: Prévalence selon le prélèvement (données du NNISS:National Nosocomial Infections Surveillance Survey, U.S.A)
Distribution des principaux microorganismes
N'importe quelle espèce de bacilles non fermentaires aérobies peut être impliquée.
1 - 2 Principaux caractères bactériens :
- Habitat : La majorité des espèces de ce groupe de bacilles à Gram-négatif non fermentaires aérobies stricts est très largement répandue dans notre environnement et en particulier celui hydrique:
- Caractères morphologiques : Bacilles à Gram-négatif, courts et trapus (Acinetobacter) ou longs et fins (P.aeruginosa), immobiles ou mobiles (exemple avec un cil ou monotriche).
- Caractères culturaux : Nombreuses aptitudes nutritionnelles à se nourrir de rien et à utiliser de très nombreux substrats divers
- Croissance possible sur divers milieux , même défavorables, donc sélectifs : Drigalski (1), cétrimide (ammonium quaternaire)(2) ...
- De nombreuses espèces se multiplient dans un milieu minimum: P. aeruginosa avec un exemple de milieu (eau 80%, glucose 5 g/l, S04(NH4)2 10g/l et oligoéléments)(cf Physiologie-Croissance ).
. Températures de croissance : 4°C à 45°C mais variable selon l'espèce
. Type respiratoire : germes aérobies stricts ou exigeants en oxygène et caractère oxydase + (Entérobactéries=oxydase-)
Certaines espèces peuvent se multiplier au sein d'une gélose contenant des nitrates. Elles "respirent les nitrates".
. Utilisation des sucres : ces germes non fermentaires, contrairement aux entérobactéries (3), dégradent les sucres en acidifiant peu au contact de l'oxygène (regarder en 4 et non en 2)
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Tube 1 : Culture de P.aeruginosa: Témoin sans glucose mais avec indicateur de pH qui virera au jaune lors d'acidification
Tube 2 : Culture de P.aeruginosa: avec glucose et indicateur de pH mais au contact de l'oxygène, une couche de paraffine
Tube 3 : Culture de P.aeruginosa: avec glucose et indicateur de pH. Il y a acidification au contact de l'oxygène (germe oxydatif)
Tube 4 : Culture de E. coli avec glucose et indicateur de pH. Il y a acidification dans tout le tube (germe fermentaire).
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. Identification en genre ou espèce : aisée, essentiellement biochimique en 24-48 h à l'aide de dispositifs commerciaux.
La recherche de certains marqueurs, antigénique par exemple, peut faire suspecter une origine ou source commune. La catégorisation en infection nosocomiale est d'autant plus aisée qu'elle peut révêtir souvent une allure épidémique, car liée à une source commune de contamination. Le rôle du laboratoire dans la détection de ce type d'épidémie est primordial (cf marqueurs épidémiques).
. Retenir la multirésistance naturelle ou acquise à de nombreux antibiotiques
La sensibilité habituelle de Pseudomonas aeruginosa est rapportée comparativement à celle de Escherichia coli
1 - 3 Part de ce groupe bactérien, genres ou espèces impliquées ?
Distribution des germes isolés dans un hôpital général
BGN aérobies stricts : principaux genres ou espèces isolées
Au sein de ces quelques espèces isolées les plus fréquentes, Pseudomonas aeruginosa est certainement la plus fréquente,
Le tableau ci-dessous rapporte d'autres exemples récents "à germes exotiques" d'isolement peu fréquent: Alcaligenes xylosoxydans, Burkholderia cepacia, Chryseobacterium meningosepticum, Ochrobactrum anthropi, Pseudomonas fluorescens ou encore Ralstonia pickettii.
2 - Types de malades :
souvent hospitalisés depuis plusieurs semaines avec une maladie sous-jacente dont immuno-déprimés et ayant reçu plusieurs cures d'antibiotiques. Malades d'hématologie, de réanimation, d'urologie ...
Les portes d'entrée probables sont nombreuses et ont été précisées dans 2/3 des cas :
- translocation digestive chez l'aplasique (8%),
- foyers infectieux digestifs (10%) ...
- dispositifs intravasculaires (33,6%)
- urines (16%)
3 - Prescription d'antibiotiques :
Cette prévalence des bactéries à Gram-négatif est liée à divers facteurs bactériens tels l'aptitude nutritionnelle, la vitalité, l'aptitude à produire certains facteurs de virulence tel l'adhérence et enfin la multirésistance naturelle aussi bien aux antiseptiques qu'à nombre d'antibiotiques (cf multirésistance).
Ces particularismes leur permettent de se multiplier, en particulier dans l'eau, même bi-distillée, les solutés d'héparine, ou encore des environnements aqueux hostiles tels solutions d'antiseptique ou d'antibiotique (chlorehexidine aqueuse, éosine, polymyxine B......savon liquide). Divers types de matériel ont été impliqués: appareil respiratoire, appareil d'aspiration, nébulisateurs, hémodialyseurs, endoscopes, thermomètres, même les jouets du bain ...
Les autres facteurs impliqués sont le terrain sur lequel elles surviennent avec, à l'origine, une colonisation avec des bactéries, en particulier multirésistantes, transmises dans le cadre de soins ou examens du malade par manuportage. Les facteurs de riques sont clairement identifiés.
4 - Mauvaise application des règles d'hygiène ...
- Lors de pratique aseptique au cours des soins, il sera nécessaire de porter des gants, une blouse....... ou encore de se laver les mains entre chaque patient afin de diminuer au maximum la transmission de patient à patient de certains micro-organismes par les mains du personnel soignant.
- Non suivi des protocoles devant être clairement affichés dans le service avec une mauvaise antisepsie ou une erreur d'asepsie
Exemples : Pose d'un cathéter
- Surveillance continuelle de certaines espèces avec applications de mesures d'isolement (K. pneumoniae, P. aeruginosa, A. baumannii)... en fonction de l'hôpital, du type de service et ainsi qu'une mise à jour continuelle de la distribution des BMR (bactéries multi-résistantes) dans l'hôpital.
- Signalisation lors d'un transfert de malades porteurs de BMR d'un service d'hospitalisation vers un autre service d'hospitalisation ou vers un service d'exploration.
- Un certain nombre d'équipements devront être correctement stérilisés ou désinfectés entre chaque utilisation. Pour la désinfection, il s'agira essentiellement d'endoscopes, d'hémodialyseurs ou encore de systèmes respiratoires réutilisables.
- Les antiseptiques et les solutions désinfectantes devront être préparées avec des concentrations suffisantes, leur contrôle pourra être régulièrement effectué. Enfin leur choix devra être judicieux. La chlorehexidine aqueuse sera exclue pour la pose d'un cathéter mais pas la chlorehexidine alcoolique.
L'emploi de présentation monodose sera préconisée
- Enfin il conviendra aussi de contrôler l'usage de certains antibiotiques dont ceux pouvant exercer une pression de sélection trop importante.
- D'autres mesures seront de contrôler le milieu environnant. Les locaux seront régulièrement lavés...Il sera important de s'assurer que l'eau, après stockage, présente un taux minimum de contamination. Divers systèmes tels ceux d'hémodialyse, de lavage d'endoscope... présentent souvent une contamination minimale, en particulier à P. aeruginosa. Il sera nécessaire d'utiliser de l'eau stérile, en particulier pour les systèmes d'humidification destinés aux malades hospitalisés dans certains services. |
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Dans la majorité des hôpitaux, les bouquets de fleurs conservés dans un vase sont prohibés.
C - CONCLUSIONS
Au sein des bacilles à Gram-négatif, celui des germes non fermentaires aérobies stricts est fort riche en individualités avec une vingtaine de genres et plusieurs dizaines d'espèces dont P. aeruginosa, A. baumannii, S. maltophilia ... Ces bactéries sont le plus opportunistes et responsables d'infections nosocomiales. Leur découverte chez plusieurs malades amène à déclencher une investigation pour préciser s'il s'agit de la diffusion d'un clone bactérien ou pas.
Surveillance d'une épidémie: MARQUEURS cf glossaire (sérotype, antibiotype, pulsotype, ribotype ...)
Il est possible de démontrer en quelques jours qu'il s'agit de la même souche à l'aide de techniques individualisant des marqueurs moléculaires.
Ce cours a été préparé par le Professeur A. PHILIPPON (Faculté de Médecine COCHIN-PORT-ROYAL, PARIS V)
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